Reconnaissons-le immédiatement : nous ne sommes pas experts en géopolitique. Faire un billet à propos de la guerre qui sévit en Ukraine, c’est prendre le risque d’aborder un sujet qui nous dépasse largement. Ok. Second avertissement : une véritable analyse impliquerait une froide neutralité. S’agissant de Vladimir Poutine, autant dire que cela nous sera difficile.
Ces précautions posées, on ne peut s’empêcher de regarder ces événements sous l’angle de la communication d’influence, notre sujet de prédilection.
Comme tout le monde, nous sommes assaillis d’images et d’informations qui déferlent depuis jeudi dernier. Cela nous interroge sur la bataille d’images qui se mène, à côté de celle qui fait tant de malheureuses victimes. Ce combat sur l’image est pourtant essentiel pour la suite des événements. A ce jeu, il nous semble que la Russie ne s’est pas donné toutes les chances de succès. Certes, nous sommes principalement exposés aux médias occidentaux qui, consciemment ou pas, nous racontent l’histoire que nous voulons entendre. Notre vision est donc forcément déformée. Mais tout de même. Arrêtons-nous sur deux exemples inspirés par les pratiques qui font une communication d’influence.
#1 Créer les conditions de la mobilisation
Pour être compris et afficher un projet clair, tout fait sens. Lorsque Vladimir Poutine annonce le déclenchement de la guerre, il choisit de le faire en costume, derrière un bureau que ne renierait pas le proviseur de nos années lycée. A noter la présence d’un attirail téléphonique d’une autre époque, comble de la connectivité pour quiconque a été formé au KGB. Le type est seul, volontairement glaçant. Ce détachement apparent est sans doute le seul effet recherché. Dans cette posture, déclencher une guerre semble être un acte purement administratif, comme valider la construction d’une autoroute ou fixer le prix du pain. Pour embarquer un pays derrière soi dans un conflit incertain, c’est pour le moins risqué.
De l’autre côté, Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, a depuis le début de l’offensive adopté la tenue militaire pour ses prises de parole. Le message est évident : il est du côté de l’action, pas au-dessus. Pour mobiliser une nation, mieux vaut faire corps avec elle. On peut rétorquer que Poutine n’en a rien à faire du peuple, que ce n’est pas son sujet. Mais si l’affaire tourne mal, la jurisprudence Ceausescu ou Saddam Hussein se rappellera vite à lui. Les dictateurs sont alors vraiment abandonnés à eux-mêmes quand le système se fissure.
#2 Jouez collectif
« Seul on va plus vite. Ensemble on va plus loin ». Au-delà de la formule qui fait le bonheur des open space et des fabricants de mugs, une chose est sûre : Poutine a une drôle de façon de motiver ses collaborateurs. Définitivement bloqué dans la faille spatio-temporelle, il est persuadé qu’un vrai chef se doit d’humilier ses n-1 et manager par la terreur. Il faut avoir vu les images d’un Conseil de Sécurité invraisemblable (photo) réuni pour reconnaitre l’indépendance des provinces du Donbass. D’un côté, Poutine, toujours seul. Face à lui, à 15m, un aéropage de hauts responsables, assis comme des écoliers sur des petites chaises, attendant que le professeur les interroge. Sergueï Narychkine, pourtant directeur du FSB, a passé un sale quart d’heure au pupitre, questionné par un Poutine se délectant de jouer au chat et à la souris avec lui.
Volodymyr Zelensky quant à lui met clairement à profit son expérience d’acteur et sa connaissance des enjeux d’image. Sa communication se fait en mode selfie, souvent entouré de son équipe rapprochée. Filmé à longueur de bras, il est physiquement présent et impliqué dans les événements. La mise en scène s’efface derrière le réel. On ne doute pas de l’effet de cette spontanéité sur le moral des troupes et du peuple ukrainien.
Au jeu de l’image, l’Ukraine et son dirigeant ont clairement pris l’avantage, d’autant que Poutine, peu sensible à ce genre de considérations, partait avec un sérieux handicap. Bien sûr, tout ça ne dit rien de l’issue de la guerre mais il est certain que l’influence de la Russie a d’ores et déjà perdu, pour longtemps.
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